Le Sénégal reste un pays d’exception. Senghor, le premier président de la République, en avait fait un creuset du savoir avec des artistes et écrivains choyés. Et pour permettre le foisonnement des idées, il avait créé une maison d’édition. Mais voilà, beaucoup de manuscrits avaient plus de chance de se retrouver à la poubelle que d’être convertis en livres. Son successeur Abdou Diouf, au pouvoir, avait organisé la mort de cette maison, si bien que c’était un parcours du combattant de voir un ouvrage sortir des presses de cette prestigieuse structure. Wade qui n’a jamais fait les choses comme les autres et dont le rêve était de dépasser Senghor, réorganisa le marché avec une belle dotation qui transforma des écrivains en éditeurs.

Macky au pouvoir, ça semble exploser avec presque chaque semaine une séance de dédicace. La publication de livres à la qualité douteuse, en plus des entorses faites à la langue de Molière fait florès. L’autoédition est passée par là, puisqu’il suffit de pouvoir acheter 50 unités de son propre ouvrage pour se faire éditer par une maison bien courue de la capitale. Il se dit que 90% des publications de ces dix dernières années ne résistent pas au temps. Sitôt publiées après une belle séance de dédicace où une brochette de vedettes est aux premières loges, le livre tombe dans l’oubli. Personne ne s’en souviendra. Bien sûr, l’auteur lui-même pourrait avoir la désagréable surprise de voir son ouvrage fêté en grande pompe et présenté par les flatteurs comme un chef d’œuvre, se retrouver une semaine plus tard chez le vendeur des livres «par terre». Des ouvrages qui ne vivent que le temps de leur séance de dédicace. C’est ça aussi le drame de l’édition dans ce charmant pays où tout le monde est écri…vain. Au grand dam des grands auteurs dont les livres ne bénéficient pas de la même attention de la République. Effet de mode ?

Kaccoor Bi (Le Témoin)