La 16ème édition de la Foire internationale du livre et du matériel didactique, Fildak s’est tenue du 22 au 27 novembre 2017 au Cices de Dakar. L’Association sénégalaise des éditeurs (Ase) a organisé, le samedi 25 novembre 2017, une conférence sur le thème « Pour une entreprise d’édition performante » animée par le consultant en manuels scolaires Issakha Guèye. Entre autres, l’accès de l’édition nationale au marché des manuels scolaires a été au centre des débats.
L’écrivain Marouba Fall l’a dit dans une salle remplie d’éditeurs et d’hommes de lettres : « Le livre est un produit commercial ». Il se pose alors la question de sa rentabilité dans un pays où l’achat du livre n’est pas un réflexe populaire et où les infrastructures de lecture font défaut. Les acteurs du secteur, plus particulièrement les membres de l’Association sénégalaise des éditeurs, en sont conscients. Les enjeux autour de cette problématique exigent d’eux une approche nouvelle prenant en compte les contextes technologique, politique et économique. Pour la mise en place d’une édition nationale forte, il faut au préalable écarter certains obstacles auxquels fait référence le Consultant en manuels scolaires, Issakha Guèye : taux d’analphabétisme, faible pouvoir d’achat. Aussi, l’accès des éditeurs au marché des ouvrages scolaires échoue contre certains écueils. Ils sont liés à la concurrence internationale, à l’environnement juridique, fiscal et commercial de l’édition.
Il convient, selon lui, en raison de l’importance du marché des ouvrages scolaires en matière d’investissement (2 milliards de FCfa consacrés à leur achat dans le Budget consolidé d’investissement), de prendre des initiatives officielles allant dans le sens de pousser l’autorité politique à la décision dans un esprit de collaboration. « Pour une entreprise d’édition performante, il faut que le sous-secteur coopère avec le décideur politique. Il lui revient également de rassembler tous les éléments de persuasion pour amener l’autorité à prendre les mesures nécessaires », souligne-t-il non sans insister sur le besoin impérieux de faire en sorte que le patrimoine éditorial national n’échappe pas aux nationaux. Car, estime-t-il, il faut une dose de nationalisme lucide pour développer l’édition sénégalaise. Aux yeux d’Issakha Guèye, l’Etat doit créer les conditions d’accès des éditeurs aux marchés, un Fonds de bibliothèque nationale qui favoriserait également la promotion des auteurs, et réhabiliter la lecture en milieu scolaire. Il y a aussi nécessité de réfléchir sur le statut de l’éditeur et de proposer un programme national durable qui prendrait en compte les niches à exploiter. Le projet de baccalauréat unique de l’Union économique et monétaire ouest africaine constitue, dans ce sens, une opportunité d’élargir le marché. Faudrait-il juste anticiper et se prémunir contre les stratégies de contournement. La coopération canadienne donne également de nouvelles possibilités aux éditeurs.
Consolidation des acquis
« Il faut, dans la stratégie de pérennisation de l’action canadienne, faire des propositions de bonne facture. Il est tout aussi important de travailler sur un document stratégique à soumettre à l’autorité politique et, pour les éditeurs, d’aller en groupe sur certains marchés », suggère-t-il.
Le directeur des éditions L’Harmattan Sénégal, Abdoulaye Diallo, modérateur de la rencontre, s’est servi de l’exemple algérien pour dessiner la forme d’une industrie éditoriale performante. L’Etat y a donné aux imprimeurs les moyens de leur politique pour créer une certaine attractivité autour de l’édition et du livre dont le prix maximal tourne autour de 3 000 FCfa. Mais, il semble important pour Seydou Nourou Ndiaye, directeur général des Editions Papyrus Afrique, d’œuvrer d’abord à la consolidation des acquis, à la souveraineté éditoriale et d’éviter la concentration.
La présidente de l’Association sénégalaise des éditeurs, Aminata Sy, a, quant à elle, insisté sur la volonté politique que doit afficher l’Etat pour les accompagner dans leur objectif de mise en place d’une édition nationale forte. Elle a déploré la contrefaçon qui pousserait certains délinquants à aller photocopier des livres jusqu’en Inde.
En marge de cette rencontre d’échanges, deux illustres anciens présidents de l’Ase ont été distingués pour leur œuvre utile et leur engagement constant pour la mise en place d’une industrie de l’édition. Il s’agit de M. Madieyna Ndiaye et d’Antoinette Fall Corréa.
La Côte d’Ivoire citée en exemple
Dans le domaine de l’édition, la Côte d’Ivoire a connu des avancées significatives. C’est pourquoi, les intervenants ont beaucoup insisté sur les partages d’expériences. Le prix Alioune Diop pour la promotion de l’édition décerné, dans le cadre de cette Fildak, à la maison d’édition ivoirienne, Nei-Ceda, en témoigne suffisamment. Marie-Agathe Amoikon Fauquembergue, présidente directrice générale des Editions Eburnie, attribue cette réussite en partie à l’accès au marché scolaire. « Nous avons accès au marché du livre scolaire et nous commençons à nous investir pour le secondaire. Les bénéfices générés par la vente des ouvrages scolaires nous permettent de financer la littérature générale et celle-là infantile. Car, nous faisons 85% de chiffres d’affaires sur le scolaire ». En Côte d’Ivoire, l’Etat donne juste un appui institutionnel et un accès au marché du livre scolaire par le biais des appels d’offre ; des efforts qui ont sans doute permis aux Editions Eburnie de réaliser un chiffre d’affaires de 2,7 milliards de FCfa.